Arthur Chevallier : la Quincaillerie impériale

Le 𝘔𝘦́𝘮𝘰𝘳𝘪𝘢𝘭 est une première dans l’histoire de la littérature. Si les rois de France avaient leur historiographe (Racine pour Louis XIV, par exemple), Napoléon a laissé à la postérité un témoignage à la mise en scène unique. Car contrairement aux rois, il bénéficiait d’un privilège : survivre à sa couronne. Il avait eu six ans pour parfaire le souvenir qu’il laisserait au monde, quand le roi-soleil n’avait eu, lui, qu’une semaine d’agonie.
Le 𝘔𝘦́𝘮𝘰𝘳𝘪𝘢𝘭 est une rupture à la croisée de la politique et de la littérature, l’ancêtre des mémoires des ministres et présidents d’aujourd’hui. D’ailleurs, le succès du livre, souvent exagéré, n’est pas seulement dû à la ferveur bonapartiste, mais plutôt à un voyeurisme bien compréhensible dans la mesure où l’objet est, à sa manière, un reportage sur l’exil de Sainte-Hélène.
Napoléon a révolutionné sa propre histoire en utilisant la puissance du livre, ce qui n’est pas surprenant de la part d’un chef d’Etat expert dans sa propre représentation. C’est pourquoi il est le symbole d’une génération, celle de la Révolution qui tenait l’écriture et la lecture pour une part considérable de l’exercice de l’Etat. Si Napoléon avait vingt ans d’avance en matière militaire, il en avait probablement plus de cent en stratégie éditoriale.
Le 𝘔𝘦́𝘮𝘰𝘳𝘪𝘢𝘭 est aussi une pièce de théâtre, avec des personnages, principaux, secondaires, une dramaturgie, et un protagoniste principal à l’ampleur inégalée. Si Shakespeare avait été roi, c’est le livre qu’il aurait voulu écrire. Edmond Rostand, en 1900, ne l’oubliera pas.
200 ans après la publication de la première édition du 𝘔𝘦́𝘮𝘰𝘳𝘪𝘢𝘭 𝘥𝘦 𝘚𝘢𝘪𝘯𝘵𝘦-𝘏𝘦́𝘭𝘦̀𝘯𝘦 d'Emmanuel de Las Cases en 1823, un colloque scientifique a été organisé les 15 et 16 novembre 2023 à l'Auditorium André et Liliane Bettencourt de l’Institut de France par la Fondation Napoléon en partenariat avec : la Bibliothèque nationale de France, l'Institut de France, Le Figaro Histoire, Éditions Perrin, la Librairie les Immortels, la Bibliothèque Mazarine, la Bibliothèque de l’Institut, ICES-Institut Catholique de Vendée, en mémoire de Jacques Jourquin.
© Fondation Napoléon 2024
Arthur CHEVALLIER est écrivain, éditeur d’histoire au sein du groupe Humensis (Belin, Passés composés) et chroniqueur au Point et dans l’émission « C ce soir » sur France 5. Il a été co-commissaire de l’exposition « Napoléon » de La Villette et, avec Charles-Eloi Vial, de l’exposition « Napoléon, héros de la littérature » (Villa Masséna, Nice). Ses travaux historiques portent sur l’influence de la littérature sur l’écriture de l’histoire de la Révolution française et du Premier Empire. Il a récemment publié : 𝘓𝘦 𝘊𝘢𝘩𝘪𝘦𝘳 𝘳𝘰𝘶𝘨𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘧𝘦𝘮𝘮𝘦𝘴 𝘥𝘦 𝘕𝘢𝘱𝘰𝘭𝘦́𝘰𝘯, anthologie, Grasset, 2022 ; 𝘕𝘢𝘱𝘰𝘭𝘦́𝘰𝘯 𝘦𝘵 𝘭𝘦 𝘣𝘰𝘯𝘢𝘱𝘢𝘳𝘵𝘪𝘴𝘮𝘦, 𝘗𝘜𝘍, « 𝘘𝘶𝘦 𝘴𝘢𝘪𝘴-𝘫𝘦 ? » 2021 ; « 𝘛𝘰𝘶𝘴 𝘦𝘵 𝘶𝘯 », 𝘓𝘦𝘴 𝘝𝘪𝘯𝘨𝘵 𝘱𝘳𝘦𝘮𝘪𝘦̀𝘳𝘦𝘴 𝘢𝘯𝘯𝘦́𝘦𝘴 𝘥𝘶 𝘟𝘟𝘐𝘦 𝘴𝘪𝘦̀𝘤𝘭𝘦 𝘷𝘶𝘦𝘴 𝘱𝘢𝘳 𝘷𝘪𝘯𝘨𝘵 𝘦́𝘤𝘳𝘪𝘷𝘢𝘪𝘯𝘴, Grasset, 2021.
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