Jean d'Ormesson dit un poème d'Aragon (Que la vie en vaut la peine)

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  • čas přidán 27. 08. 2024
  • Que la vie en vaut la peine
    C’est une chose étrange à la fin que le monde
    Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
    Ces moments de bonheur ces midi d’incendie
    La nuit immense et noire aux déchirures blondes
    Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
    D’autres viennent Ils ont le cœur que j’ai moi-même
    Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
    Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix
    D’autres qui referont comme moi le voyage
    D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
    Qui se retourneront pour leur nom murmuré
    D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages
    Il y aura toujours un couple frémissant
    Pour qui ce matin-là sera l’aube première
    Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
    Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
    C’est une chose au fond que je ne puis comprendre
    Cette peur de mourir que les gens ont en eux
    Comme si ce n’était pas assez merveilleux
    Que le ciel un moment nous ait paru si tendre
    Oui je sais cela peut sembler court un moment
    Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine
    Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine
    Et la mer à nos soifs n’est qu’un commencement
    Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouches
    Le sac lourd à l’échiné et le cœur dévasté
    Cet impossible choix d’être et d’avoir été
    Et la douleur qui laisse une ride à la bouche
    Malgré la guerre et l’injustice et l’insomnie
    Où l’on porte rongeant votre cœur ce renard
    L’amertume et Dieu sait si je l’ai pour ma part
    Porté comme un enfant volé toute ma vie
    Malgré la méchanceté des gens et les rires
    Quand on trébuche et les monstrueuses raisons
    Qu’on vous oppose pour vous faire une prison
    De ce qu’on aime et de ce qu’on croit un martyre
    Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond
    Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine
    Malgré les ennemis les compagnons de chaînes
    Mon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu’ils font
    Malgré l’âge et lorsque soudain le cœur vous flanche
    L’entourage prêt à tout croire à donner tort
    Indiffèrent à cette chose qui vous mord
    Simple histoire de prendre sur vous sa revanche
    La cruauté générale et les saloperies
    Qu’on vous jette on ne sait trop qui faisant école
    Malgré ce qu’on a pensé souffert les idées folles
    Sans pouvoir soulager d’une injure ou d’un cri
    Cet enfer malgré tout cauchemars et blessures
    Les séparations les deuils les camouflets
    Et tout ce qu’on voulait pourtant ce qu’on voulait
    De toute sa croyance imbécile à l’azur
    Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
    Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
    N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
    Je dirai malgré tout que cette vie fut belle
    Louis Aragon

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