Entretien avec Brigitte Giraud, prix Goncourt 2022

Brigitte Giraud vient d'obtenir le prix Goncourt 2022 pour "Vivre vite", un roman qui "interroge le destin" selon ses propres mots. Et pour elle, le destin n'est pas qu'une affaire de mort, comme ce fut le cas avec l'accident de son mari en moto qu'elle raconte dans cet ouvrage. Le destin, c'est aussi ce qui rend possible les rencontres et les amours naissantes. Entretien.
À retrouver également dans cette émission, la chronique de Pierre Krause, responsable éditorial de Babelio, partenaire de cette émission : www.babelio.com/
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[@patrick6110]

Adoré le livre fasciné par la juste description sans fards par la narratrice de la médiocrité élevée en art de Claude et de l'auteur, tous deux de basse extraction et dont l'éducation scolaire ne s'est pas accompagnée d'une élévation des goûts et des habitudes. Une vie de jeunes des quartiers que les quartiers n'ont jamais quittés une fois adultes et qui se sont installées dans la continuité des codes de leur jeunesse et s'y vautrent avec régal au point d'en faire profession. L'auteur révère le blouson en cuir et la moto bon marché de son homme, ses goûts de musique populaire au sens diminutif qu'elle même partage. C'est rare de lire dans les pensées de gens du commun que l'on croise dans la rue ou dans les commerces sans jamais connaître, quelles options ont-ils et que peuvent devenir des jeunes des quartiers après s'être rangés. Et c'est rare de trouver une plume qui nous les fait vivre avec talent, sans cacher leur médiocrité mais au contraire en l'élevant au rang d'art de vivre. J'ai admiré l'aplomb avec lequel l'auteur blâme le fabricant de la moto tout en reconnaissant que Claude savait ne pas être capable de la conduire. La mauvaise fois avec laquelle elle aborde son sujet fait partie du charme. L'auteur croit interroger le destin et c'est un leurre. L'auteur interroge la nostalgie et un passé qu'elle n'a pas su dépasser. Le passé de sa jeunesse et de ses codes, et l'homme avec lequel elle a fait du chemin. C'est un honnête aveux d'échec, qui prend pour prétexte la mort de Claude, mais c'est l'échec de quelqu'un qui n'a pas su grandir dans sa tête et dans ses moeurs. Le style même, avec les si qui se multiplient, n'interroge pas le destin, ils sont la marque de ce que l'auteur est coincé. La mort de Claude n'est qu'un révélateur de cela. Un prétexte pour le livre. L'ensemble de mon entourage de lecteurs assidus a détesté ce livre pour les mêmes raisons qui me l'ont fait apprécier. Moi j'ai trouvé cet auteur touchant, mais certainement quelqu'un que je n'aimerais pas si je la rencontrais dans la vie de tous les jours. Et pourtant j'aime quasiment tout le monde.