La troisième vie de Kateb Yacine

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  • čas přidán 12. 02. 2019
  • Il faut se battre contre le sens du vent pour maintenir vivante ne serait-ce qu’une flammette sur l’épopée théâtrale de l’Action Culturelle des Travailleurs. 1970-1989, année de la disparition du poète. Le vent maudit, c’est celui qui balaie toute capitalisation, constitution d’une mémoire collective, populaire, sans laquelle l’expérience théâtrale la plus audacieuse, la plus riche et la populaire, ne peut pas être transmise aux générations actuelles et futures. Et une seule main ne peut applaudir. Ce type de préservation et de transmission ne peut être qu’une œuvre collective. Malheureusement, quelque part complices, le pouvoir come l’intelligentsia participent de ce délit du silence.
    Après avoir mené un travail de création dramaturgique et de mise en scène (essentiellement avec Jean-Marie Serreau) en France et en langue française, Kateb Yacine brûlait d’envie de s’exprimer pour son peuple et dans les langues parlées de celui-ci. C’est ce que son ami Ali Zamoum, ancien militant nationaliste, révolutionnaire, lui permettra de réaliser en 1970 lorsqu’il ira le tirer de son exil pour mettre une jeune troupe à sa disposition ; dénommée, à l’origine, Le Théâtre de la mer et menée par Kadour Naïmi, un intellectuel engagé. Après avoir créé avec Kateb Yacine Mohamed prends ta valise, ce dernier ira poursuivre sa vie en Europe. Avec cette première pièce, Kateb mettra en œuvre ce style de création collective, avec les comédiens, qui deviendra une des caractéristiques de la troupe. Cette pièce connaîtra un immense succès, notamment en France où elle ne drainera pas moins de 75 000 spectateurs, dans une tournée mémorable de six mois. C’était le début d’une épopée théâtrale qui laissera loin derrière le théâtre de boulevard local, pratiqué, et marquera aussi bien ses acteurs que l’environnement de la troupe et les spectateurs de l’époque. Elle acquit véritablement la dimension d’un mythe et c’est ce qui finit par gêner le pouvoir.
    Installée dans une base-vie à Bab-El-Oued, quartier populaire, la troupe était sous contrat avec le ministère du travail et parrainée par Ali Zamoum. Elle créera La Guerre de 2000 ans, Palestine trahie et Le Roi de l’Ouest. La Guerre de 2000 ans aura été le sommet de la création de l’ACT. En 1976 au Festival d’automne de Paris, aux Bouffes du nord, elle tiendra l’affiche durant un mois. Bien entendu, la troupe sillonnera l’Algérie dans ses moindres, donnant des spectacles dans les lieux les plus divers et les moins accommodants. Pour ce faire, Kateb Yacine avait développé un théâtre nu, avec très peu de moyens, sans décors, sans costumes et sans éclairages.
    Cette aventure, d’une incroyable charge contestataire, subversive avec une grande liberté de parole, sous un régime despotique à parti unique, est difficilement imaginable aujourd’hui. Elle s’épanouira entre 1970 et 1978, date à laquelle la troupe passera sous la tutelle du ministère de la culture où Kateb n’avait pas que des amis. De toute façon, il commençait à déranger le pouvoir, y compris avec ses rares prise de parole publiques. Les médias lui étant fermés ; les portes de la radio et télévision lui étant hermétiquement close malgré ses multiples appels à s’y exprimer.
    Une nuit d’hiver de 1978, la troupe fut chassée de Bab-El-Oued, avant d’être exilée, quelques semaines plus tard, à Sidi Bel Abbès. Dans cette ville d’intérieur de l’Ouest, on avait proposé à Kateb de prendre le Théâtre local, avec sa troupe. C’était à prendre ou à laisser. Certes, les comédiens purent bénéficier d’un meilleur confort, à Sidi Bel Abbès. Mais, longtemps, ils y vécurent un exil intérieur et leur créativité ne résistera pas longtemps à ce changement. Pendant quelques années, la troupe va continuer sur sa lancée, reprenant les pièces de son répertoire et s’engageant dans de longues tournées. Mais, Kateb Yacine, mû par le besoin de prendre du recul et l’envie de revenir à l’écriture solitaire, va s’absenter de plus en plus. Avant que la maladie ne vienne l’emporter si vite.
    La troupe ne s’est jamais remise de la disparition de celui qui était vécu comme un véritable père. Elle n’en pas fait le deuil et, malgré les destins artistiques et existentiels, divers selon chacun, les rideaux étaient bel et bien retombés pour tout le monde, depuis lors.
    Brahim Hadj Slimane

Komentáře • 5

  • @atzmenzer6094
    @atzmenzer6094 Před 2 lety +1

    Repose en paix Yacine. Ton œuvre reste à jamais vivante.

  • @xilee5993
    @xilee5993 Před 4 lety

    Dommage que ça soit aussi court

  • @amalboucherit9230
    @amalboucherit9230 Před 4 lety +2

    le comédien a presque la même voix que Kateb Yacine

  • @razaneaziz8217
    @razaneaziz8217 Před 3 lety

    غني بالدارجة....ياخي..!!!