Voici mon texte : Depuis le début de cette guerre, de cette énième guerre, puisqu'il y en a tant d'autres et que celle-ci n'est pas très différente des autres... Depuis le début de cette guerre, donc, je ne regarde plus beaucoup la télévision, je n'écoute plus beaucoup les radios... C'est ma solution pour échapper à la propagande des deux camps. C'est ma solution pour me préserver de ce va-t-en-guerre généralisé. Mais ce soir, par hasard, j'ai vu un documentaire sur le président ukrainien, sur la célèbre et très intellectuelle chaîne d'Arte… Et bien, même sur cette chaîne, il est traité en héros ! Et je ne puis plus me taire, il me faut exprimer mon ressenti, ma divergence ! Je fais partie de cette opinion qui est devenue inaudible dans notre société, dans notre camp. (Dans celui d'en face, la résistance anti-guerre est visible mais sévèrement réprimée. Ici elle est tragiquement effacé par un effroyable consensus médiatique). Je fais partie, donc, des quelques pacifistes qui survivent, tant bien que mal, dans ce monde de fou. Je fais partie de l'étroite communauté des objecteurs de conscience et je l'assume ! J'assume ce choix que j'ai fait à mes 18 ans: être objecteurs de conscience, refuser, quelque soit la circonstance, de prendre des armes pour tuer, même si c'est pour me protéger d'une dictature quelconque. Mon équation est simple : si demain Poutine attaquait l'Europe, je préfèrerais être russe et vivant que mort et glorieux...! Car je n'ai que faire de la gloire et j'aime suffisamment la vie pour m'y accrocher quelque soit le régime auquel je serais soumis. Bien sûr une fois la paix conquise, par capitulation, je serai le premier à faire de la résistance passive. À élever ma voix pour retrouver, le plus vite possible, le plus de liberté possible. Je sais ! Cela peut prendre du temps, beaucoup de temps, beaucoup trop de temps mais au moins cela préserve la vie, ma vie, vos vies, des milliers de vie ! Car se comportant en héros, en appelant son peuple à résister par les armes, ce président ukrainien gaspille des vies irremplaçables. Et même si, dans le cas improbable, où il remporterais ce conflit, ce serait au prix de milliers de familles détruites, d'enfants sacrifiés, de poètes éteints... "Tant que je suis en vie, je suis invaincu !" chante, en d'autres circonstances, Stromae ! Ceci est valable également en temps de guerre ! Les morts sont toujours des vaincus, ce ne sont pas des héros ! Ils peuplent lamentablement nos livres d'histoire dans le Panthéon des absurdités car toute guerre, avec le temps, semble absurde. Très ironiquement, j'ai appris dans ce documentaire, qu'au premier jour de la guerre, le président Joe Biden a proposé au président ukrainien d'être exfiltrés vers un pays sûr. C'était la sagesse même d'un vieil homme qui sait ce que la mort peut entraîner de souffrance (il a perdu un fils). C'était la seule façon de protéger la population ukrainienne mais c'était aussi, et puis surtout, une façon de donner une chance à la paix et aux négociation entre l'OTAN et Poutine ; une chance précieuse de repousser le spectre d'une guerre nucléaire mondiale… Mais le président ukrainien, que l'on nomme "héros", a préféré le sang ! Il a préféré entrer dans l'histoire avec ce beau mot : "Ce sont des armes dont j'ai besoin, pas d'un taxi". Entendez par là, je sacrifie mon peuple pour ma gloire. Il a poussé le vice jusqu'à interdire à tout homme de 18 à 60 ans de quitter le pays et leurs a intimé de prendre les armes. C'est donc aussi un dictateur car si j'étais ukrainien, en tant qu'objecteur de conscience, je devrais me cacher. Ce soir, je ne suis ni ukrainien, ni Poutignien, ni russe ; je suis moi, le moi profond de ma conviction intime de ma non violence, de ma certitude de l'indicible absurdité de la logique de la guerre !